Comprendre le cerveau en relation avec la consommation de substances addictives

De nouvelles recherches publiées dans l’American Journal of Psychiatry approfondissent notre compréhension de ce qui se passe dans le cerveau chez les personnes qui ont une forte consommation de cocaïne et, éventuellement, d’autres substances addictives.

Image
Dr Clifford Cassidy
Dr Clifford Cassidy

Le Dr Clifford Cassidy est chercheur à l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) du Royal. Son équipe et lui se servent de l’imagerie par résonance magnétique sensible à la neuromélanine (IRM-NM) pour étudier la fonction de la dopamine dans le cerveau humain. La neuromélanine peut servir de mesure de substitution non effractive d e la fonction et de l’intégrité de la dopamine.

La dopamine est un neurotransmetteur du cerveau qui joue un rôle important dans la régulation de la manière de renforcer le sentiment de récompense (c.-à-d., sensation de plaisir) associé à la nourriture, au sexe et à la consommation de substances, par exemple. On observe des changements importants dans le système de la dopamine au cours du développement de la dépendance chez une personne; cela nous permet d’identifier les étapes de la perte de contrôle par cette personne qui consomme des substances comme la cocaïne.

« L’avantage de cette méthode est qu’elle nous offre un moyen simple de suivre les déséquilibres du système de dopamine chez les personnes qui ont un problème de dépendance », explique le Dr Cassidy. « Cette nouvelle méthode est plus accessible que les outils de neuroimagerie plus standard qui sont utilisés pour examiner le système de la dopamine. »

Ces récentes découvertes pourraient éventuellement éclairer les stratégies de traitement de la toxicomanie, ou même constituer un biomarqueur du risque de dépendance. Ce sont des orientations de recherche que le Dr Cassidy souhaiterait poursuivre.

Ce projet de recherche, intitulé Evidence for dopamine abnormalities in the substantia nigra in cocaine addiction revealed by neuromelanin-sensitive MRI (« Mise en évidence des anormalités liées à la dopamine dans la substance noire chez les personnes ayant une dépendance à la cocaïne grâce à la l’IRM sensible à la neuromélanine »), a été mené en collaboration avec l’Université de Columbia.

Les déséquilibres de dopamine dans le domaine des dépendances est l’une des découvertes biologiques les mieux établies en psychiatrie.

« [Ces études] ont été reproduites à de nombreuses reprises, et les personnes ayant un problème de dépendance ont clairement une libération de dopamine réduite et moins de récepteurs de la dopamine », explique-t-il. « Si nous nous préoccupons tant des déséquilibres chimiques chez les personnes atteintes de troubles psychiatriques, c’est parce que nous pouvons les traiter avec des médicaments. Mais malgré les indications d’une faible quantité de dopamine, rien ne prouve que les médicaments qui imitent les actions de la dopamine dans le corps soient utiles pour traiter toutes les formes de dépendance. On peut se demander pourquoi. »

L’équipe du Dr Cassidy a découvert que les personnes qui consomment beaucoup de cocaïne ont un « signal altéré » dans une partie spécifique de leur cerveau où se trouvent les cellules de dopamine. « Ce signal nous permet de comprendre quelque chose sur le déséquilibre de la dopamine chez ces personnes », indique-t-il.

Une interprétation possible de ces résultats serait que ces personnes ne manquent pas de dopamine, mais plutôt que celle-ci se trouve au mauvais endroit.

« Ces produits chimiques doivent être acheminés d’une zone à l’autre, certains d’entre eux circulent librement, d’autres sont conditionnés pour se préparer à remplir leur fonction de neurotransmetteurs. Les données probantes d’études précédentes suggèrent qu’il y aurait trop peu de cette dopamine conditionnée chez ces personnes, mais notre nouvelle étude montre que c’est peut-être parce qu’il y a trop de dopamine en circulation libre, et qu’elle y reste coincée. »

L’équipe de recherche a choisi d’étudier les effets de la cocaïne plutôt que d’autres substances, car elle agit directement sur le système de la dopamine.

La question de savoir si la consommation chronique de cocaïne est à l’origine de l’altération du signal ou non nécessite des recherches plus poussées.

« Notre travail peut permettre de mieux comprendre la modification du système de dopamine chez les personnes dépendantes, et il ne s’agit peut-être pas simplement d’un excès ou d’un manque de dopamine », ajoute le Dr Cassidy. « Une compréhension plus subtile de cette question pourrait nous aider à mettre au point de meilleures stratégies pour traiter la dépendance. »