Questions et réponses avec la Dre Florence Dzierszinski, la nouvelle présidente de l’IRSM et vice-présidente de la recherche au Royal

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Florence Dzierszinski
Dre Florence Dzierszinski

La Dre Florence Dzierszinski a récemment été nommée présidente de l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) du Royal, qui est affilié à l’Université d’Ottawa, et vice-présidente de la recherche au Royal. Dans l’exercice de ces fonctions, la Dre Dzierszinski sera chargée de définir le prochain chapitre de la recherche en santé mentale et de promouvoir un modèle intégré de recherche et de soins cliniques qui est axé sur les besoins et les expériences des clients et des familles de notre région.

Q : Félicitations pour votre nomination! Qu’est-ce qui vous passe par la tête en ce moment?

FD : L’enthousiasme est le premier mot qui me vient à l’esprit. Je me sens fière et privilégiée d’avoir la confiance du Royal et du conseil d’administration de l’IRSM pour prendre en charge le portefeuille de recherche de l’organisme et les possibilités qui s’offrent à nous.  

Q : Parlez-nous de ce qui vous a incitée à vous lancer dans les sciences? Nous aimerions aussi connaître les étapes marquantes de votre carrière.

FD : Aussi loin que je me souvienne, même enfant, le monde de la recherche était déjà mon univers. J’ai obtenu mon doctorat en France. Je suis originaire d’une petite ville situées à 20 minutes de Vimy, donc les liens avec le Canada étaient déjà présents. J’ai déménagé aux États-Unis pour poursuivre mes études postdoctorales, je pensais que cela durerait deux ans, mais je m’amusais beaucoup trop à l’Université de Pennsylvanie. On pensait à une expérience le matin et on la réalisait l’après-midi même. L’environnement était réellement propice à l’épanouissement des chercheurs et des stagiaires. J’ai passé six ans à Philadelphie, puis j’ai reçu une offre de l’Université McGill. C’est alors que j’ai obtenu une Chaire de recherche du Canada. J’ai pu lancer un programme de recherche sur l’utilisation d’un parasite cérébral comme modèle pour sonder les réponses immunitaires dans le cerveau.

À cette époque, ma carrière a pris un tournant décisif. Le doyen m’a demandé de participer aux activités de direction, plus précisément la gestion des plateformes technologiques et du laboratoire d’animaux. J’ai d'abord pensé : « Je n’ai jamais fait ça, ce n’est pas ce que je sais faire ». Il s’est avéré que j’ai beaucoup apprécié, car cela a eu un impact positif sur notre environnement de recherche commun. Parallèlement, je faisais la navette entre Montréal et Ottawa depuis un certain temps, car ma famille est ici à Ottawa. Donc lorsque le poste de directrice du bureau de la recherche s’est ouvert à l’Université Carleton, j’ai fait la transition de d’une carrière universitaire à une carrière dans le développement de la recherche.

Je suis arrivée au Royal en 2017. Début 2017, le Royal était en train de mettre en place un incubateur pour les chercheurs en début de carrière dans le domaine de la santé mentale (l’initiative Innovateurs émergents de la recherche en santé mentale – i-ERSm). L’idée de travailler avec ces jeunes esprits brillants m’a beaucoup plu, de même que l’objectif de favoriser le développement de la recherche à l’échelle de l’organisme.

L’année 2019 a été une année de transition et a vu le début de la planification d’un nouveau plan stratégique intégré de recherches axées sur les patients et de soins fondés sur des données probantes. Cela a ouvert de nouvelles possibilités pour l’avenir, surtout maintenant, dans le contexte actuel de la pandémie. Notre monde, tant sur le plan professionnel que personnel, a été bouleversé. C’est le moment idéal pour réfléchir en profondeur aux raisons qui nous poussent à faire ce que nous faisons. Les chercheurs, les cliniciens, le personnel, les responsables des programmes – nous travaillons tous dans le même but, c’est-à-dire pour avoir un impact positif sur nos clients et leur famille.

Q : L’innovation est un terme qui revient souvent dans le contexte des soins de santé. Que signifie-t-il pour vous et quelle forme peut prendre l’innovation dans le domaine des soins et de la recherche en santé mentale?

FD : Il existe de très nombreuses définitions différentes du terme « innovation ». Si nous prenons une définition très pratique, il s’agit simplement de « nouvelles ou meilleures façons de faire des choses significatives ». C’est une définition très simple, mais chaque mot est clé. Si nous pensons aux domaines des maladies cardiovasculaires ou du cancer, nous pouvons en fait établir une corrélation entre les améliorations de la santé et les découvertes scientifiques au fil des ans; mais nous n’avons pas encore été en mesure de le faire pour le domaine de la santé mentale et des dépendances. Il est important de savoir que chacune de ces découvertes scientifiques correspond à un ensemble majeur et convergent de recherches interdisciplinaires issues de la communauté des chercheurs au fil du temps. Ces recherches ont été conçues, examinées par des pairs, financées, soutenues, évaluées, diffusées, appliquées et mises en œuvre au sein de l’écosystème – ces éléments forment ensemble un vaste réseau d’activités liées entre elles qui permettent d’assurer l’impact de ces recherches. 

Q : À quoi ressemble l’avenir de la recherche au Royal?

FD : Il s’agit de soins fondés sur la recherche et vice versa, et il convient d’intégrer différentes perspectives à l’échelle du spectre de recherches-soins : les questions de recherche doivent être conçues en collaboration avec les clients et les familles, les cliniciens, les responsables des programmes et les chercheurs, qui se réunissent pour formuler ces questions selon leurs différents domaines d’expertise. Nous savons que la recherche-action participative englobe un spectre assez large, il est donc important de tenir compte de toute sa diversité.

Comme je vous l’ait dit dans mes réponses aux questions précédentes, il est essentiel de mettre en place et de favoriser un environnement propice au développement de la recherche et des innovations. Nous allons nous appuyons sur nos points forts, car nous avons la chance, à l’IRSM et au Royal, d’avoir une équipe fantastique, parmi de nombreux autres atouts. C’est réellement un privilège pour moi de travailler avec une telle équipe au quotidien.

Je dirais également que la vision d’un hôpital sans murs me touche à bien des égards, et notamment en ce qui concerne la science ouverte, un sujet dont nous reparlerons plus tard.

Q : La Dre Kim Corace a déclaré que les clients et les familles sont les moteurs de toutes les questions de recherche que nous étudions. En tant que présidente de l’IRSM, comment allez-vous améliorer l’engagement des clients et des familles?

FD : Nous entendons beaucoup parler de la stratégie de recherche axée sur les patients. Au bout du compte, il s’agit de faire preuve de respect, d’écouter et de se montrer pertinents et inclusifs. Il est bien connu que l’inclusion de divers points de vue conduit à de meilleurs résultats. Il existe un certain nombre de moyens pour favoriser la participation significative des clients et familles dans nos recherches. Nos partenariats avec le Conseil consultatif des familles et le Conseil consultatif des clients sont essentiels. Prenez par exemple un projet récemment financé par les IRSC qui mettra en place un cadre pour favoriser l’engagement significatif des aidants naturels. Il s’agit de concevoir les recherches en collaboration et de faire participer les clients et familles aux processus décisionnels, de les intégrer à notre comité de recherche et de lancer des programmes éducatifs. Le but est d’établir une stratégie de recherche axée sur les clients et les familles pour l’ensemble du Royal, de l’intégrer dans nos différents programmes et services et, ainsi, de répondre aux besoins des personnes que nous aidons. 

Q : Le soutien aux jeunes chercheurs est également important pour vous.

FD : Absolument. C’est quelque chose que je veux encourager, afin de permettre aux jeunes talents de continuer à contribuer. L’une des choses dont je suis la plus fière dans ma carrière universitaire est l’obtention de mon premier doctorat. La remise des diplômes est un très beau souvenir, c’était un moment très spécial. Je suis complètement engagée dans le perfectionnement professionnel de mon équipe et, bien sûr, je suis particulièrement attachée à la carrière de nos cliniciens et de nos chercheurs. Je pourrais citer plusieurs exemples. Tout récemment, nous avons réussi en tant que collectif* à obtenir une Chaire junior de recherche clinique en schizophrénie pour la Dre Naista Zhand. Cela fait partie de notre stratégie qui vise à soutenir et à récompenser le talent dans le domaine de la recherche.

*Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, Département de psychiatrie, le Royal et son Programme intégré de traitement et rétablissement de la schizophrénie, l’IRSM, la Fondation

Q : Selon vous, quel est actuellement le plus important défi dans le domaine de la santé mentale que vous espérez que la recherche permettra un jour de surmonter?

FD : Nous avons un peu abordé cette question plus tôt : nous sommes toujours confrontés au défi de défendre la santé mentale et de faire reconnaître qu’il s’agit de santé. Nous devons encore lutter contre la stigmatisation. Une façon d’y parvenir est de mieux comprendre une maladie grâce à la recherche, car la santé mentale et les dépendances impliquent des dysfonctionnements cérébraux, tout comme les maladies cardiovasculaires impliquent des dysfonctionnements cardiaques.