Une nouvelle étude de recherche révèle les effets des contraceptifs oraux sur le développement du cerveau

Les contraceptifs oraux sont commercialisés depuis environ 60 ans et largement utilisés aujourd’hui. On estime que plus de 150 millions de femmes dans le monde utilisent la pilule contraceptive. Bien que de nombreuses personnes connaissent déjà les effets secondaires physiologiques des contraceptifs oraux, nous en savons relativement peu sur leurs effets sur le cerveau et la santé mentale des femmes.

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Rupali Sharma
Une nouvelle étude dirigée par Rupali Sharma révèle des différences dans la réactivité au stress, la structure et le fonctionnement du cerveau chez les femmes prenant des contraceptifs oraux, en particulier chez celles qui ont commencé au début de l’adolescence.

Une nouvelle étude de recherche menée par Rupali Sharma, une étudiante des cycles supérieurs, et dirigée par Nafissa Ismail, professeure agrégée de psychologie et titulaire de la Chaire de recherche de l’Université d’Ottawa sur le stress et la santé mentale, et par la Dre Andra Smith, professeure de psychologie à l’Université d’Ottawa, révèle des différences dans la réactivité au stress ainsi que la structure et le fonctionnement du cerveau chez les femmes qui ont commencé à prendre des contraceptifs oraux au début de l’adolescence.

Plus de 80 heures de données d’imagerie recueillies au Centre d’imagerie cérébrale du Royal montrent l’activité cérébrale de femmes volontaires pendant qu’elles faisaient des « tests de la mémoire émotionnelle », qui consistent à se rappeler d’images soit négatives, soit positives, soit neutres.

Les femmes qui avaient pris des contraceptifs oraux avaient davantage d’activité dans le cortex préfrontal en regardant les images qui avaient une charge négative. En d’autres termes, leur cerveau travaillait plus dur que celui des femmes qui n'avaient jamais pris de contraceptifs oraux. 

Mme Sharma pense que le cerveau des femmes prenant la pilule contraceptive pourrait être plus sensible aux sujets à charge négative. « Cela pourrait également signifier qu’elles sont plus attentives aux émotions négatives, quelque part dans leur cerveau, elles sont plus sensibles à ces informations qui ont une charge négative », explique-t-elle.

« Il reste évidemment à déterminer si cela se traduit dans leurs interactions sociales quotidiennes, comme lorsqu’elles sont confrontées à des facteurs de stress mineurs au quotidien. Quoi qu’il en soit, au niveau neurophysiologique, leur cerveau exerce plus d’énergie pour se souvenir de ces images. »

Un autre volet de l’étude qui s’est déroulé au laboratoire INSPIRE (Intégration neurocognitive et sociale de la psychophysiologie dans un contexte interdisciplinaire de recherche) de l’Université d’Ottawa, a révélé que les femmes qui ont commencé à prendre des contraceptifs oraux au début de l’adolescence ont une réponse affaiblie au stress par rapport à celles qui ont commencé à prendre des contraceptifs plus tard. 

« Le message n’est pas de dissuader les femmes d’utiliser la pilule contraceptive, mais plutôt de les informer sur le fonctionnement de leur cerveau et sur les effets possibles des contraceptifs oraux sur leur santé mentale. »

Mme Sharma, qui a récemment terminé son doctorat à l’Université d’Ottawa, espère que ces premières conclusions aideront les femmes à prendre des décisions éclairées lorsqu’elles choisiront leur méthode de contraception.

Selon Mme Sharma, la santé mentale des femmes est la principale raison pour laquelle elle a entrepris cette étude de recherche.

« Nous savons qu’à l’adolescence, lorsque les femmes connaissent leur tout premier cycle menstruel, elles ont déjà une fois et demie à trois fois plus de risques que les hommes de présenter une dépression ou de l’anxiété. Nous constatons déjà de manière anecdotique, et grâce à certaines recherches, que les femmes qui prennent la pilule ont un risque plus important de présenter une dépression et de l’anxiété. »

Bien que Mme Sharma et ses collègues n’aient pas constaté de différences dans les scores de dépression entre les utilisatrices de contraceptifs oraux et les non-utilisatrices, les résultats pourraient éclairer d’autres comportements couramment liés à la pilule contraceptive.

« Pour les femmes qui connaissent des changements d’humeur plus subtils, comme des crises de larmes, ou simplement de l’irritabilité, ou qui ont peut-être une vision plus pessimiste ou des pensées auto-dépréciatives, je pense que ces différences qui ont été trouvées dans la structure et les fonctions du cerveau pourraient peut-être éclairer certaines de ces différences d’humeur qu’elles connaissent en prenant un contraceptif oral », explique Mme Sharma. « Il pourrait s’agir d’un mécanisme très précoce qui expliquerait pourquoi certaines femmes présentent une dépression, des sautes d’humeur ou des changements d’humeur plus négatifs, mais nous ne pouvons pas dire de façon concluante que ces différences sont spécifiquement liées à la dépression. »

Mme Sharma espère que ces résultats encourageront les femmes à parler également de santé mentale lorsqu’elles discutent de contraception avec leur médecin de famille ou leur gynécologue.