Comment vivre avec un TOC pendant une pandémie mondiale?

Beaucoup d’entre nous ont des habitudes qui nous rassurent dans une certaine mesure. Les athlètes et les amateurs de sport, par exemple, peuvent avoir des habitudes particulières qui semblent leur porter chance avant un grand match. D’autres trouvent leur satisfaction dans une cuisine propre et un évier brillant. Mais pour les personnes atteintes d’un trouble obsessionnel-compulsif (TOC), certaines routines se transforment en obsessions qui perturbent leur vie de manière significative. Ces obsessions s’accompagnent souvent de comportements compulsifs, qui visent à réduire l’anxiété causée par ces images ou pensées intrusives.

Il existe différentes catégories de compulsions. La compulsion de vérification, par exemple, peut consister à vérifier à plusieurs reprises les horloges, les prises de courant et les fours. Certaines personnes ont des compulsions d’organisation, de réorganisation ou de répétition, comme frapper à la porte un certain nombre de fois ou tourner en rond pour se défaire de pensées ou d’images.

Les compulsions de lavage et de nettoyage sont parmi les plus courantes chez les personnes atteintes d’un TOC. Dans les émissions de télévision et les films, on voit souvent des personnes qui font tout pour éviter la contamination, notamment des pratiques d’hygiène et de nettoyage excessives et répétées pour éliminer la saleté ou les microbes.

Les personnes atteintes d’un TOC croient que si elles ne font pas ces choses, leurs plus grandes craintes pourraient se réaliser. Par exemple, elles pensent que si leurs livres ne sont pas classés d’une manière spécifique, leur famille pourrait mourir.

Comme nous nous retrouvons actuellement aux prises avec une pandémie mondiale, les personnes atteintes d’un TOC sont-elles confrontées à de plus grands défis cette année?

Oui, et à plusieurs égards.

Gabrielle Eyahpaise avait 14 ans lorsqu’elle a reçu un diagnostic de trouble obsessionnel-compulsif (TOC).

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Gabrielle Eyahpaise
Gabrielle Eyahpaise, porte-parole pour la santé mentale

« À l’adolescence, mon TOC avait pris le dessus sur la plupart de ma vie », se souvient-elle. « J’avais deux endroits sûrs à la maison, mais même là, je devais avoir une couverture autour de moi... C’était une chaise et un coin de mon lit. » Mme Eyahpaise se douchait pendant des heures. Elle se souvient qu’elle restait éveillée la nuit parce qu’elle avait très peur de boire de l’eau de Javel par accident. Elle vérifiait ses mains pour s’assurer qu’elles n’étaient pas mouillées, surveillait sa bouche pour déceler des goûts bizarres et s’asseyait sur ses mains. Cela lui prenait plusieurs heures de sa journée.

Le Dr Floyd Wood, un psychiatre du Royal qui a également travaillé dans la clinique C-PROMPT temporaire du Royal pendant le pic de la pandémie, a traité un certain nombre de personnes atteintes d’un TOC. Les craintes de contamination n’étaient toutefois pas leur seule préoccupation.

« Il y a beaucoup plus de questions existentielles en ce moment : des questions sur ce que cela signifie d’être, d’exister », explique le Dr Wood. « Avec tout ce qui se passe – la distanciation physique et toutes les restrictions – il y a un sentiment de malheur imminent. »

« Pour les gens qui ont peur de la contamination, c’est une situation compliquée. J’imagine que s’ils quittaient leur domicile, ils prendraient beaucoup plus de précautions que la personne moyenne. »

Aujourd’hui, Mme Eyahpaise est une porte-parole pour la santé mentale et donne de nombreuses conférences publiques où elle parle de son expérience. De plus, elle étudie la psychologie à l’université. Elle explique qu’elle a réussi à contrôler son TOC grâce à la thérapie d’exposition avec prévention de la réponse (ERP, Exposure and Response Prevention). 

La thérapie d’exposition avec prévention de la réponse consiste à s’exposer à une peur et à en augmenter progressivement l’« intensité ». À une époque, Mme Eyahpaise ressentait un stress énorme en touchant ses chaussures et avait la compulsion de se laver les mains immédiatement après. Dans le cadre de sa thérapie, elle devait toucher ses chaussures et « assumer l’anxiété » qu’elle ressentait en attendant que ce sentiment passe sans se laver les mains. Finalement, elle a réussi à mettre ses chaussures sur ses genoux, puis même sur sa tête. « Je pense que c’est l’une des choses les plus difficiles que j’ai jamais faites », confie-t-elle.

Elle n’était pas trop inquiète lorsque la nouvelle concernant le coronavirus a commencé à circuler au début de l’année, mais la situation s’est ensuite aggravée avec les mesures de confinement, de distanciation physique, puis les directives de la santé publique concernant l’hygiène des mains et le danger de se toucher le visage. Soudain, il fallait garder toutes ces consignes en tête en quittant la maison.

« Une partie de mon cerveau rationnel se disait : "D’accord, tu dois te laver les mains en suivant les instructions de lavage des mains pendant 20 secondes", mais il y avait aussi mon cerveau obsessionnel-compulsif qui disait que ça ne suffisait pas et qui voulait que je me les lave à nouveau. Et puis, je refusais cette pensée. »

C’était la même chose avec l’utilisation du désinfectant pour les mains. Mme Eyahpaise se demandait si elle en utilisait suffisamment et si elle l’appliquait correctement, mais en même temps elle était consciente de retomber dans ses vieilles habitudes. « Il m’a fallu un certain temps pour comprendre ce qui se passait dans mon cerveau. C’est le TOC qui parle, ou c’est Gaby qui parle ? »

« La thérapie d’exposition avec prévention de la réponse consiste en partie à accepter l’incertitude », explique Mme Eyahpaise. Elle a décidé qu’elle allait simplement suivre les directives de santé publique et ne pas en faire plus ou moins que ce qui lui était demandé.

C’est une chose à laquelle elle doit faire attention au quotidien, mais grâce à la thérapie d’exposition avec prévention de la réponse, l’anxiété ne dure plus très longtemps. « C’est beaucoup plus facile à gérer », ajoute-t-elle.

Le Dr Wood recommande aux personnes souffrant de compulsions liées à la peur de la contamination de ne pas hésiter à demander de l’aide, surtout dans le contexte de la pandémie. Il ajoute aussi qu’il est utile de revoir et de mettre en pratique les compétences acquises en thérapie.

« C’est vraiment le moment de sortir les livres et de recommencer à apprendre ces chapitres et modules », déclare le Dr Wood. « C’est un phénomène tout à fait différent, donc vous devrez peut-être revenir aux notions fondamentales. Commencez à vous entraîner, à vous engager et à essayer de ne pas éviter les choses qui peuvent provoquer des obsessions et des compulsions. Ne cédez pas. L’évitement est l’un des plus grands problèmes. Lorsque vous commencez à éviter des situations, vous vous engagez sur une pente glissante qui vous amènera à céder davantage à vos compulsions et à limiter votre vie. »

Mme Eyahpaise dit que l’une des choses les plus positives qui lui soit arrivée ces derniers mois est le nombre de personnes qui l’ont aidée. Elle apprécie également sa capacité de mieux comprendre le fait que tout le monde vit cette situation complexe de différentes façons.

Entre-temps, elle s’efforce de retenir ce qu’elle a appris et de partager ces leçons avec d’autres. 

« Je suis passée au travers, et je passerai de nouveau au travers. Je sais que je suis capable de le gérer. »

Les chiffres sur le TOC

  • La Société canadienne de psychologie estime qu’environ 1 à 2 % de la population canadienne présentera un épisode de trouble obsessionnel-compulsif (TOC) au cours de sa vie.

  • Le Dr Floyd Wood, psychiatre au Royal, estime que seulement 15 à 50 % des personnes atteintes d’un TOC cherchent à se faire soigner.

  • Environ 40 à 50 % des personnes atteintes d’un TOC constatent une amélioration modérée au fil du temps grâce au traitement.

Comment soutenir un ami ou un membre de votre famille atteint d’un TOC

  • Soyez présent! « Le fait de savoir que votre proche peut vous appeler pour obtenir de l’aide est déjà très utile », dit le Dr Wood. 
  • Soutenez votre proche de manière à ne pas renforcer ses préoccupations et ses inquiétudes.
  • N’oubliez pas que selon le Dr Wood, « les personnes atteintes d’un TOC savent qu’elles agissent de manière irrationnelle et veulent arrêter ». 
  • Réduisez au minimum les conversations sur le COVID-19.

Conseils d’experts pour les personnes atteintes d’un TOC

  • Demandez de l’aide, et rappelez-vous que vous n’êtes pas seul. Contactez vos pairs, des groupes de soutien ou des services d’aide.
  • Rappelez-vous les compétences que vous avez acquises et qui vous aident à sortir du cycle initial.
  • Ne faites pas de surdose d’actualités. Consultez les nouvelles le matin, puis arrêtez-vous là.
  • Assurez-vous d’obtenir vos informations auprès de bonnes sources, comme le bureau de santé publique de votre région.

Vous n’êtes pas certain d’avoir un trouble obsessionnel-compulsif (TOC)? La première étape consiste à parler à votre médecin de famille ou à vous rendre dans un centre sans rendez-vous. « Le simple fait d’entamer le processus est une bonne première étape », dit le Dr Floyd Wood, psychiatre au Royal. « Le TOC n’est pas assez reconnu ni traité. » Le Dr Wood estime que seulement 15 à 50 % des personnes atteintes d’un TOC cherchent à se faire soigner.