Courir pour faire taire la voix et atteindre de nouveaux objectifs

C’est un cliché de dire que tout voyage commence par un premier pas, mais personne ne le sait mieux que Peggy Hickman.

Elle a trouvé des moyens uniques de transmettre un message d’espoir en tant que porte-parole pour la santé mentale, coureuse passionnée, conférencière, et maintenant aussi au moyen d’une affiche qu’elle a conçue et qui s’est méritée un prix.

En s’aventurant bien au-delà de sa zone de confort, Mme Hickman atteint de nouveaux objectifs et elle symbolise aujourd’hui une source d’inspiration pour beaucoup de gens.

La passion de Mme Hickman pour la course a commencé à un moment inattendu de sa vie. Elle se remettait d’une chirurgie à cœur ouvert lorsque son psychiatre du Royal, le Dr Tomas Fogl, lui a suggéré de commencer à courir.

Elle avait 58 ans et était également aux prises avec une maladie mentale.

La schizophrénie est une maladie mentale chronique mais qui peut être traitée. Il s’agit d’un trouble de santé mentale complexe et souvent mal compris qui touche environ une personne sur cent. Les symptômes courants comprennent : un discours ou un comportement désorganisé; un trouble de la concentration ou de la mémoire; une participation réduite aux activités de la vie quotidienne ou un manque général de motivation; ainsi que des pensées ou expériences qui modifient le sens de la réalité d’une personne, comme entendre des voix, ou avoir des hallucinations ou des idées délirantes.

Mme Hickman décrit la voix qu’elle entend comme « effrayante ».

« Cette voix draine toute ma confiance en moi », confie-t-elle. « C’est une lutte très difficile. »

Il n’a pas fallu longtemps à Mme Hickman pour se rendre compte que courir avait un effet marquant et inattendu sur sa santé mentale : en effet, lorsqu’elle court, elle parvient à mieux contrôler cette voix.

« Nous sommes toujours à la recherche d’outils qui nous aident à mieux gérer nos symptômes, et c’est l’un des miens. Quand la voix décide de m’embêter quand je cours, j’ai compris que je peux courir plus vite qu’elle! Et c’est là que vous me voyez accélérer », dit-elle en riant.

Elle a fait le saut aux marathons trois ans après avoir fait ses premiers pas de course.

« Plus je courais, plus j’aimais cela. C’était un sentiment incroyable. Courir me donne confiance en moi et m’apaise. Cela me fait entrer dans un autre état d’esprit. J’ai donc continué à le faire. Et quand je ne cours pas, je ne suis pas heureuse. »

Aujourd’hui, Mme Hickman court régulièrement, elle recueille aussi des fonds pour le Programme de traitement et rétablissement de la schizophrénie du Royal et parle souvent en public.

Plus récemment, elle a partagé son expérience de la psychose lors de la conférence de l’ISPS (International society for psychological and social approaches to psychosis) aux Pays-Bas, où elle a également présenté une affiche qu’elle a conçue et qui illustre son parcours avec la psychose et, comme elle le dit, le « pouvoir d’une passion ».

C'est le Dr Fogl qui a été le premier à soumettre l'idée de la conférence à Mme Hickman.

« Je pense vraiment que se trouver une passion est un grand pas en avant pour faire face aux difficultés que l’on traverse », déclare Peggy Hickman. « Cela donne une raison d’être et permet de se sentir mieux dans sa peau. »

En fait, Mme Hickman n’avait jamais quitté le Canada auparavant, mais comme elle avait trouvé extrêmement utile d’assister aux conférences et ateliers du Royal, elle n’a pas pu refuser. De plus, elle trouvait le thème de la conférence particulièrement intéressant : la relation circulaire entre l’aliénation et la psychose, et le pouvoir de guérison de la reconnexion humaine.

« Pour moi, c’est quelque chose de très vrai », explique-t-elle. « La course m’a permis d’avoir tellement de reconnexions avec d’autres, et cela m’a vraiment aidée. »

Le Dr Fogl et Mme Hickman ont soumis deux résumés, l’un pour un atelier commun sur la thérapie cognitivo-comportementale et son lien avec l’exercice, et l’autre pour une présentation d’affiche (ces affiches sont la manière habituelle de présenter des informations dans les conférences médicales). Les deux ont été acceptés.

« J’étais aux anges quand nous avons reçu la réponse », se souvient Mme Hickman, dont le nouvel objectif était d’apprendre à se servir des outils numériques pour concevoir son affiche – un objectif qu’elle a atteint.

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Peggy Hickman à la conférence de 2019 de l’ISPS aux Pays-Bas debout à côté d'une affiche qu'elle a créée.
Peggy Hickman à la conférence de 2019 de l’ISPS aux Pays-Bas.

Connaissant l'amour de Mme Hickman pour la course, il est facile de comprendre pourquoi elle s’en est servie pour illustrer son parcours en santé mentale et former le thème sous-jacent de l’affiche. Elle espère que cette affiche aidera d’autres personnes à comprendre ce qu’elle vit et, pour ceux qui sont atteints d’une maladie mentale, à voir qu’il y a de la lumière au bout du tunnel.

Le parcours de Mme Hickman est représenté par l’image d’une carte montrant une route sinueuse. (Elle précise que si elle avait eu assez de place, il y aurait aussi eu beaucoup plus de pics et de vallées le long de la route). Il y a des impasses, des routes secondaires et des ronds-points où elle risque de s’enliser – comme un cycle de peur, de honte et d’isolement. Il y a des « mauvais passages », mais aussi des bons. « Parfois, je fais fausse route », dit-elle en montrant l’image d’une ambulance. « C’était une période difficile... »

Un petit personnage placé à différents endroits sur la route représente Mme Hickman. Le plus grand personnage en blanc est le Dr Fogl, mais il peut aussi symboliser n’importe quelle source de soutien. La voix qu’entend Mme Hickman est représentée par une tête flottante aux traits orange épais et avec des lignes courbes sortant de sa bouche.

La route commence par des bornes kilométriques qui peuvent sembler familières à toute personne qui vit ou travaille dans le domaine de la santé mentale : il y a la borne « apparition » (de la maladie), la borne « soutien », puis « acceptation » et « engagement ». Vers la fin du parcours, la « découverte » se transforme en « passion » lorsque le personnage ne court plus seul, mais entourée d’autres personnes. La tête flottante, si effrayante et écrasante au début du parcours, s’estompe parfois mais ne disparaît jamais complètement.

« Le cheminement se poursuit, mais cela ne veut pas dire que tout va mieux. Je peux encore faire des choses, comme tout le monde... Je peux toujours courir et participer à la société, malgré cette voix. Oui, il y a des moments où je dois prendre un peu de recul. Je ne veux pas que les gens pensent que tout va pour le mieux, parce que ce n’est pas le cas. Ce ne serait pas une image fidèle. »

L’affiche de Mme Hickman a été très bien accueillie par les participants à la conférence et a été récompensée par un prix.

« Gagner ce prix en tant que personne qui a une expérience vécue de la maladie mentale était vraiment super, c’est tout un honneur », déclare-t-elle.

Une version intégrale de l'affiche de Hickman est maintenant accrochée dans une zone très fréquentée au troisième étage du Royal, où elle est vue par un flux constant de clients, de familles et de membres du personnel.

Cliquez ici pour voir et télécharger un PDF de l’affiche de Peggy Hickman (disponible seulement en anglais).

Bien que l’affiche de Mme Hickman représente comment la course l’a aidée dans son parcours de santé mentale, on peut y substituer n’importe quelle activité.

« Je pense vraiment que se trouver une passion est un grand pas en avant pour faire face aux difficultés que l’on traverse », déclare Peggy Hickman. « Cela donne une raison d’être et permet de se sentir mieux dans sa peau. »

Le cheminement de Hickman vers la compréhension et la découverte passe maintenant par un nouveau détour, et il est très positif cette fois-ci : la défense des intérêts.

Elle veut que les gens comprennent que son parcours ne lui appartient pas à elle seule. Elle croit que le fait de partager son expérience aide les autres. En parlant ouvertement de sa maladie, elle change la façon dont les gens comprennent ce que c’est de vivre avec la schizophrénie, tout en réduisant la stigmatisation qui y est associée et en donnant de l’espoir aux personnes qui en souffrent.

« Quand il s’agit de schizophrénie, il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Pour vraiment la comprendre, les gens doivent s’éduquer et s’informer, et quoi de mieux que d’écouter les personnes qui vivent avec cette maladie. La compréhension mène à l’acceptation, et c’est une bonne chose. Bien sûr, cela ne fera pas disparaître la maladie, mais quand on sent que quelqu’un se soucie de nous et qu’on a une place dans la société, cela contribue grandement à en réduire l’impact. »