« En toute sécurité » : un programme de TCC qui change des vies au Royal

Nous nous sommes tous sentis en danger à un moment ou à un autre : marcher seul la nuit, entendre un bruit inattendu chez soi, ou affronter une situation d’incertitude. Mais pour certaines personnes, notamment celles ayant des symptômes liés à la schizophrénie, comme la paranoïa ou les hallucinations auditives, cette peur ne disparaît pas toujours. Elle façonne leur perception du monde et limite leur capacité à participer à la vie quotidienne.

Au Royal, le programme En toute sécurité (Feeling Safe) change cette réalité. Fondé sur quinze ans de recherche à l’Université d’Oxford, ce programme innovant de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) aide les participants à retrouver progressivement leur sentiment de sécurité et leur confiance en soi. Plutôt que de contester directement leurs croyances, il mise sur des stratégies comportementales pour réduire la peur et leur redonner de l’autonomie.

Le Royal a été la première organisation de santé mentale au Canada à proposer ce programme, et la seule à en étudier l’efficacité en groupe.

Comment fonctionne le programme En toute sécurité

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Lisa Murata
Lisa Murata, infirmière clinicienne spécialisée au Royal.

Le programme En toute sécurité est proposé en complément d’autres traitements, comme les médicaments, pour améliorer le mieux-être global. Il ne s’agit pas d’un traitement de remplacement, mais plutôt d’une approche pratique de soutien psychologique.

« Soixante-quinze pour cent des personnes qui suivent ce programme voient leur état s’améliorer ; c’est énorme », explique Lisa Murata, infirmière clinicienne spécialisée au Programme intégré de traitement de la schizophrénie du Royal et rattachée à la Clinique régionale de psychose. « La moitié s’améliore beaucoup, un quart fait des progrès notables, et pour les autres, il n’y a pas vraiment de changement. »

Mme Murata qualifie ce taux de réussite de « stupéfiant », surtout lorsqu’on le compare avec les résultats des traitements standard.

Le programme se compose de cinq modules, et les participants choisissent les domaines sur lesquels ils veulent travailler : vaincre l’inquiétude, renforcer la confiance en soi, améliorer son sommeil, se sentir en sécurité malgré les voix et se sentir suffisamment en sécurité.

Pour beaucoup, ce programme ouvre des portes qu’ils croyaient fermées à jamais.

« Imaginez avoir peur d’aller au supermarché », indique Mme Murata. « Ne plus pouvoir aller à l’école, au travail, ou même à la salle de sport peut réduire considérablement le monde d’une personne. »

Sortir de chez soi peut devenir insurmontable quand on a le sentiment d’être constamment suivi ou observé. La Dre Alexandra Baines, une psychiatre du Royal qui collabore avec Mme Murata dans le cadre du programme, souligne à quel point la paranoïa peut profondément perturber la vie quotidienne :

« Les gens se démoralisent avec le temps, car les voix qu’ils entendent érodent leur confiance. Ils remettent sans cesse leurs décisions en question, ce qui rend toute prise de décision difficile. »

Qu’est-ce que la TCC pour la psychose?

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une approche fondée sur des données probantes qui aide à gérer les problèmes de santé mentale en identifiant et en modifiant les schémas de pensée nuisibles. Elle montre comment pensées, émotions et comportements sont liés, et comment de petits ajustements peuvent améliorer considérablement la santé mentale.

Le programme En toute sécurité est une forme spécialisée de TCC pour les personnes atteintes de schizophrénie ou de psychose. Plutôt que de remettre en question les idées délirantes de la personne, ce programme privilégie l’exposition progressive aux peurs et l’acquisition de stratégies d’adaptation.

« On discute du fait d’être suffisamment en sécurité », explique Mme Murata. « L’idée est de prouver que nous avons cette autonomie, cette confiance en soi et cette croyance en ses capacités. »

Une approche de groupe unique

Une particularité du programme En toute sécurité au Royal : les cliniciens assistent aux séances aux côtés des participants.

En partageant ouvertement leurs propres méthodes pour gérer l’inquiétude et les troubles du sommeil, ils instaurent une atmosphère de compréhension mutuelle. Cela aide à normaliser les expériences des participants et les encourage à s’exprimer, à poser des questions et à mettre en pratique les nouvelles stratégies dans un cadre bienveillant.

Faire le lien entre la recherche et la pratique

Initialement conçu pour des séances de thérapie individuelle, le programme a été introduit au Royal par Mme Murata après avoir suivi une conférence du Dr Daniel Freeman, psychologue de renom au Royaume-Uni.

Le premier module, axé sur le sommeil, a été dispensé virtuellement pendant la pandémie de COVID-19. La rétroaction positive des participants a convaincu Mme Murata d’intégrer définitivement le programme au Royal.

Depuis, Mme Murata, la Dre Baines, la Dre Deanna Mercer et leur équipe ont obtenu un financement pour étudier l’efficacité du programme au Royal. Ils comparent les résultats des participants sur liste d’attente à ceux qui débutent directement le programme, afin d’évaluer l’efficacité de la thérapie de groupe.

Perspectives : devenir un centre d’expertise nord-américain

L’équipe souhaite faire du Royal le pôle nord-américain de référence pour le programme. Elle prépare une demande de subvention pour créer l’Institut de TCC En toute sécurité, qui renforcerait les capacités de traitement et formerait davantage de cliniciens, dans la région et au-delà.

« Une partie de notre mission consiste à partager notre savoir-faire sur la mise en œuvre du programme et de développer l’expertise clinique en TCC pour le traitement de la psychose », explique la Dre Baines. « Nous voulons instaurer quelque chose de durable et assurer la formation continue du personnel, pour que le programme En toute sécurité perdure au Royal. »

En élargissant l’accès au programme En toute sécurité, le Royal améliore la prise en charge de ses clients et se positionne comme chef de file au Canada dans les traitements innovants et efficaces.

« Ce programme est un exemple puissant de la façon dont la recherche oriente les soins au Royal », conclut la Dre Florence Dzierszinski, présidente de l’Institut de recherche en santé mentale de l’Université d’Ottawa et vice-présidente de la recherche du Royal. « La recherche fait réellement partie des soins. En intégrant les données probantes aux traitements dans la pratique, nous transformons des vies et faisons progresser les soins de santé mentale. »