Un prix pour la recherche en santé mentale récompense des recherches novatrices sur les dépendances

Le Dr James MacKillop, qui travaille à l’Université McMaster et à l’hôpital St. Joseph’s Healthcare à Hamilton, s’est mérité le Prix Royal-Mach-Gaensslen pour la recherche en santé mentale pour ses recherches dans le domaine des dépendances.

Le Prix Royal-Mach-Gaensslen pour la recherche en santé mentale a été établi conjointement en 2015 par la Fondation Mach-Gaensslen du Canada et l’Institut de recherche en santé mentale du Royal, qui est affilié à l’Université d’Ottawa. Ce prestigieux prix national reconnaît l’excellence en recherche clinique, l’innovation, la collaboration, l’imagination et l’originalité. Une bourse de 100 000 $ est décernée chaque année à une étoile montante exceptionnelle dans le domaine de la recherche en santé mentale.

Un lien personnel

Le Dr MacKillop dit qu’il a toujours voulu être psychologue. Sa carrière en recherche sur les dépendances a cependant été le fruit de ses expériences universitaires – mais pas de la manière dont on pourrait s’y attendre.

« J’étais et je continue d’être entouré de beaucoup de beuveries », constate le Dr MacKillop. « Il y avait beaucoup de consommation de cannabis, d’alcool et de tabac autour de moi, et j’étais intrigué par ces comportements autodestructeurs omniprésents. »

Ce qui a commencé comme une curiosité est éventuellement devenu plus personnel. La demi-sœur du Dr MacKillop est décédée au début de la quarantaine de complications médicales liées à une dépendance.

« Il est devenu clair qu’il y avait d’importants antécédents de consommation abusive de substances au sein de ma propre famille », explique-t-il. « Je ne les comprenais pas tout à fait à l’époque – et ce n’était pas la genèse – mais il s’est avéré que cela faisait partie de mon propre passé. »

Les recherches sur les dépendances ont pris une importance cruciale dernièrement, et le Dr MacKillop pense qu’elles sont de plus en plus reconnues. La légalisation du cannabis, l’utilisation à croissance exponentielle du cannabis médicinal et des cigarettes électroniques, ainsi que les dernières nouvelles sur la dépendance aux opiacés, ont contribué à sensibiliser le public sur ces questions.

L’une des questions les plus importantes auxquelles tentent de répondre les chercheurs est de savoir pourquoi certaines personnes deviennent dépendantes et d’autres non. Par exemple, beaucoup de personnes boivent de l’alcool, mais seule une « infime minorité » développe un problème d’alcoolisme.

Par ses recherches, le Dr MacKillop essaie de comprendre les causes des dépendances et les raisons pour lesquelles certaines personnes répondent bien aux traitements, tandis que d’autres continuent d’éprouver des difficultés – les taux de rechute sont de 40 à 60 %, selon l’organisme US National Institute on Drug Abuse.

« Nous savons qu’il s’agit d’un petit sous-ensemble de personnes qui sont vulnérables d’une certaine manière, et définir la nature de cette vulnérabilité est la grande question qu’il faut élucider », remarque le Dr MacKillop. « Une partie de cette vulnérabilité est génétique, une autre est environnementale, et je m’intéresse aux deux. »

Pour tenter de répondre à ces questions, le Dr MacKillop réunit de nombreuses perspectives, dont l’économie comportementale (qui cherche à comprendre pourquoi les gens font des choix précis), la psychologie clinique, la microéconomie, les neurosciences cognitives et la génétique moléculaire – des domaines qui ne se recoupent pas fréquemment dans les recherches traditionnelles sur les dépendances.

Le Dr MacKillop a fondé le Centre de recherche sur les dépendances Peter Boris en 2014, dans le cadre d’une collaboration entre l’Université McMaster et l’hôpital St. Joseph’s Healthcare à Hamilton. De plus, il a récemment établi le Centre de recherche sur le cannabis médicinal Michael G. DeGroote.

L’un de ses objectifs est de rappeler à la communauté que la dépendance est un phénomène lié à toutes les branches de la médecine.

« Les dépendances ne touchent pas uniquement un ensemble de personnes que nous considérons comme distinctes de nous, elle peut en fait concerner de nombreuses sphères de la société », explique-t-il.

Pourquoi est-il important de mener des recherches sur les dépendances?

La dépendance est plus fréquente qu’on ne le pense, et c’est un problème plus important que ce que beaucoup peuvent imaginer. Un Canadien sur cinq souffrira d’un trouble lié à la consommation de substances psychoactives au cours de sa vie (un chiffre qui n’inclut pas la dépendance à la nicotine). Selon le Dr MacKillop, la dépendance touche plus de gens que les deux maladies mentales les plus courantes, soit l’anxiété et les troubles de l’humeur.

« Nous interagissons tous avec des personnes qui, à un moment donné, ont probablement été confrontées à des troubles liés à la consommation de substances », indique-t-il. « La stigmatisation est d’autant plus troublante qu’elle est si fréquente. Le fait qu’elle soit si souvent exclue de notre système de santé traditionnel est un problème d’envergure. »

Au Canada seulement, le coût annuel de la consommation de substances est estimé à près de 40 milliards de dollars. La consommation d’alcool et de tabac représente plus des deux tiers (70 %) de ces coûts, et la consommation d’opiacés arrive loin derrière, en troisième position.

Selon une étude publiée en 2018 par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) et l’Institut canadien de recherche sur la toxicomanie (CISUR) de l’Université de Victoria, ces coûts ont augmenté dans les dernières années, en particulier pour l’alcool, les opiacés et le cannabis.

« Il s’agit d’une énorme quantité de ressources consacrées à la prévention, au traitement, à la perte de productivité, à l’incarcération », souligne le Dr MacKillop. Il précise aussi que ce chiffre sous-estime en fait les coûts humains de la dépendance.

A cela s’ajoute, bien sûr, le fait que la dépendance est un facteur qui contribue à d’autres causes importantes de préjudice dans notre société, comme la transmission de maladies infectieuses, les blessures et la mort, les agressions sexuelles, les agressions physiques, la violence, le suicide, les homicides et les accidents de la route.

« L’éventail des conséquences est très vaste », affirme-t-il. « Selon certaines estimations, l’alcool est la substance la plus nocive. Il contribue aux maladies chroniques comme le cancer, les maladies cardiovasculaires et les maladies du foie, mais il contribue également de manière substantielle aux maladies aiguës, comme les intoxications ou les surdoses, les accidents de la route ou la transmission de maladies infectieuses. »

Financer des recherches « novatrices et créatives »

Le Dr MacKillop se dit honoré de recevoir ce qui est sans doute le plus prestigieux prix au Canada pour un chercheur en milieu de carrière dans le domaine de la santé mentale.

« Je suis aussi ravi (de recevoir ce prix) parce que souvent, les troubles liés à la toxicomanie ne sont pas classés avec les autres troubles mentaux. La maladie mentale est malheureusement très fortement stigmatisée dans les soins de santé, et dans le domaine de la santé mentale, les troubles liés à la toxicomanie sont d’autant plus stigmatisés. On a toujours le sentiment que les personnes aux prises avec ces troubles ont un défaut moral, un manque de volonté ou un défaut de caractère. »

Il ajoute que la bourse qui accompagne le Prix Royal-Mach-Gaensslen pour la recherche en santé mentale lui permettra d’acquérir de nouvelles connaissances sur les dépendances et de mener de futures recherches « novatrices et créatives ». 

Il est très enthousiaste quant au potentiel des recherches qui se déroulent dans les milieux cliniques actifs, où les résultats profiteront aux personnes qui sont déjà sous traitement. 

Prenons l’exemple du Homewood Health Centre de Guelph, où le Dr MacKillop et son équipe du Homewood Research Institute recueillent des données sur chaque nouveau patient à l’admission, au congé, puis assurent un suivi au cours de l’année suivante. Ils ont également mis en place un système similaire de collecte de données dans les programmes de lutte contre la toxicomanie de l’hôpital St. Joseph’s Healthcare à Hamilton. Il constate que nombre de personnes qui suivent ces programmes obtiennent des résultats positifs, mais pas tous. Pourquoi donc?

Les réponses à ces questions pourraient se trouver en utilisant des profils de symptômes, des mécanismes psychologiques, des techniques d’imagerie cérébrale ou des biomarqueurs dans le sang. Le fait de comprendre où « réside » la dépendance dans le cerveau et dans le corps pourrait nous faire progresser et ainsi aider beaucoup de gens.

L’une des choses que le Dr MacKillop tente de comprendre dans ses recherches cliniques est comment l’esprit, le cerveau et le corps se modifient de façon à refléter les premiers stades du rétablissement et à prédire le succès à long terme. 

« L’une des choses qui m’intéresse le plus actuellement est de comprendre les mécanismes de rétablissement, car il existe un nombre croissant de traitements fondés sur des données probantes, mais malheureusement, beaucoup de gens ont des difficultés et les tentatives de traitement ne réussissent pas toujours », indique-t-il. « Et si nous comprenons mieux les éléments qui prédisent la réussite ou l’échec d’un traitement, nous pourrons alors soit identifier les lacunes des traitements disponibles, soit essayer de mettre au point les éléments qui fonctionnent bien ou peut-être améliorer notre capacité à adapter des traitements précis en fonction de mécanismes spécifiques. Cette bourse me permettra de poursuivre mes travaux dans cette voie. »

Changer notre façon de parler, réduire la stigmatisation

La dépendance est une maladie, et non un défaut moral ou une faiblesse de caractère. 

La langue et les expressions que nous utilisons ont un impact direct et profond sur notre entourage. L’impact négatif de la stigmatisation peut être réduit en changeant notre façon de parler de la consommation de substances.

  • Utilisez une terminologie neutre et exacte sur le plan médical pour décrire la consommation de substances.
  • - Utilisez un langage axé sur la personne, qui se concentre d’abord sur l’individu, plutôt que sur ses attributs personnels ou son état (par exemple, dites « les personnes qui consomment des drogues » ou « les personnes qui ont un trouble lié à la consommation de substances », plutôt que « les drogués », « les toxicos », ou « les junkies »).

La stigmatisation est un obstacle au rétablissement, alors assurons-nous d’utiliser des expressions respectueuses et compatissantes pour parler de la consommation de substances.

~ Extrait de l’Association communautaire d’entraide par les pairs contre les addictions (ACEPA)

 

Prix Royal-Mach-Gaensslen pour la recherche en santé mentale