Une clinique offre un nouvel espoir aux personnes atteintes de dépression difficile à traiter

Selon Santé Canada, environ 11 % des hommes et 16 % des femmes au Canada présenteront une dépression majeure à un moment ou à un autre de leur vie. Sur ce nombre, environ un tiers présentera une dépression difficile à traiter, une désignation clinique qui signifie que leurs symptômes ne s’améliorent pas avec les médicaments antidépresseurs conventionnels.

Le 30 mai, la Banque de Montréal (BMO) a annoncé un don de 2 $ millions destiné à la Clinique innovante BMO pour la dépression au Royal. Cette clinique offre de nouvelles options de traitement, propose des possibilités de recherche et établit des liens avec d’autres traitements et services disponibles au Royal.

Image
Dre Florence Dzierszinski, Victor Pellegrino, Dre Jennifer Phillips et Marion Beckett.
Dre Florence Dzierszinski, présidente, IRSM et vice-présidente, Recherche, au Royal; Victor Pellegrino, président régional, Services bancaires aux particuliers, Québec et Est de l'Ontario, à BMO; Marion Beckett, une ancienne infirmière; Dre Jennifer Phillips, directrice scientifique par intérim de l'IRSM; and Chris Ide, président de la Fondation Royal Ottawa.

Marion Beckett comprend particulièrement bien l’importance de pouvoir accéder à de nouveaux traitements pour les maladies mentales.

Mme Beckett est une ancienne infirmière qui a vécu toute sa vie avec la dépression. « L’histoire de mes problèmes de santé mentale a commencé il y a très, très, très longtemps », raconte-t-elle.

Ses parents étaient atteints de troubles mentaux – le diagnostic de son père a été posé après son départ à la retraite et celui de sa mère n’a jamais été officiellement posé.

Mme Beckett raconte qu’elle n’était pas comme les autres enfants à l’école primaire, et elle décrit son enfance comme « triste et anxieuse ».

« Je m’en souviens très bien, dès la deuxième année, j’étais assise en cercle et je pensais déjà que quelque chose n’allait pas chez moi. Il y avait ces autres enfants qui étaient tous normaux, ils avaient une famille normale, une vie normale, et il y avait moi, Marion, qui ne l’était pas. »

Mme Beckett n’a reçu son diagnostic qu’au début de la trentaine. À l’époque, elle travaillait comme infirmière en cardiologie dans un hôpital d’Ottawa. Le stress lié à son travail s’est ajouté à ses difficultés personnelles et a fini par provoquer une crise de santé mentale, pour laquelle elle a été hospitalisée.

Il a fallu deux ans pour trouver un médicament efficace, et il s’agit d’un période de vie que Mme Beckett décrit comme « désespérée et épuisante ».

L’un des défis des traitements en santé mentale est de trouver un médicament qui fonctionne et dont les effets secondaires sont minimes. Les réactions indésirables peuvent inclure la prise de poids, l’insomnie, les nausées et la fatigue, ce qui peut avoir un effet significatif sur la qualité de vie du patient et sa capacité à respecter le plan de traitement.

Mme Beckett a fini par trouver le médicament qui lui convenait. 

« Ce n’était absolument pas une solution miracle, mais je me sentais mieux et je commençais à aller bien », indique-t-elle. « Cela me convenait. J’étais beaucoup plus fonctionnelle. »

Elle a « tenu bon » avec les médicaments et la thérapie jusqu’à ce qu’elle fasse une deuxième crise de santé mentale au début de 2019. Une série de tragédies dans sa vie personnelle a conduit à une autre hospitalisation.

« Il a fallu un mois pour me remettre sur pied », » explique-t-elle.

Cette fois, lorsque Mme Beckett a quitté l’hôpital, elle a été dirigée vers le Royal.

Son traitement au Royal comprenait de l’eskétamine. Il s’agit d’une forme de kétamine qui est largement utilisée comme anesthésique depuis des décennies et, aujourd'hui, grâce à des recherches pionnières menées par le Royal, elle s’est avérée un traitement efficace pour la dépression.

L’eskétamine est administrée sous forme de vaporisateur nasal sous surveillance médicale et a été approuvée par Santé Canada en 2020. Elle cible des voies spécifiques dans le cerveau et augmente sa capacité à établir de nouvelles connexions qui favorisent la guérison de la dépression, en réduisant rapidement les symptômes dépressifs et les pensées suicidaires chez les patients qui n’ont pas répondu à d’autres médicaments couramment prescrits.

Le Royal est un chef de file national et mondial dans ce domaine de recherche. Les premiers essais cliniques de la kétamine comme traitement de la dépression au Canada ont été menés à l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) de l’Université d’Ottawa au Royal avec le Dr Pierre Blier, qui étudie l’effet de la kétamine sur la dépression depuis 2010. Les résultats de ces travaux ont été publiés en 2019 dans l’American Journal of Psychiatry. [https://ajp.psychiatryonline.org/doi/10.1176/appi.ajp.2018.18070834].

Image
Marion
Marion Beckett avec son chien.

« La découverte des effets antidépresseurs de la kétamine a été saluée comme l’une des plus grandes percées dans le domaine de la dépression au cours des cinquante dernières années », déclare la Dre Jennifer Phillips, auteure principale de l’article et directrice scientifique par intérim de l’IRSM au Royal.

« La recherche nous a montré que l’eskétamine agit sur un plus grand nombre de patients atteints de dépression que les médicaments conventionnels, et qu’elle agit aussi beaucoup plus rapidement. Ainsi, il arrive que des personnes dont la maladie n’a pas répondu à d’autres traitements, parfois pendant plusieurs années, réagissent bien à ce traitement », ajoute-t-elle.

En tant qu’hôpital d’enseignement et de recherche, le Royal est en mesure d’intégrer la recherche directement dans la prestation des soins. Il s’agit d'un élément clé de la Clinique innovante BMO pour la dépression, qui proposera des traitements novateurs fondés sur les dernières découvertes scientifiques. Cela permet non seulement d’obtenir de meilleurs résultats pour les patients, mais aussi de créer un environnement qui aide les chercheurs à répondre à certaines questions essentielles au sujet de l’eskétamine.

« L’eskétamine est un nouveau traitement – nous passons des essais cliniques dans le cadre de travaux de recherche à l’intégration dans les soins courants », explique la Dre Phillips. « Nous nous posons beaucoup de questions : pour qui ce médicament est-il le plus efficace? Comment pouvons-nous l’utiliser pour optimiser et prolonger ses effets? Et comment l’utiliser en association ou en conjonction avec les traitements existants de la dépression ? »

Le traitement de Mme Beckett a commencé en mai 2022 et s’est terminé en janvier 2023. Elle explique que si ses autres médicaments lui ont permis de rester stable, l’ajout de l’eskétamine à son plan de traitement était la pièce manquante du casse-tête.

« La façon dont mon cerveau traite les choses a complètement changé », déclare-t-elle.

D’ailleurs, elle ne considère plus qu’elle se trouve au stade où elle gère sa maladie – elle a véritablement retrouvé sa vie.

Mme Beckett espère que le don de la BMO incitera d’autres entreprises à soutenir des initiatives similaires en matière de santé mentale : « Il faut vraiment faire preuve de leadership pour soutenir une cause qui est tellement stigmatisée », affirme-t-elle.

Victor Pellegrino, président régional, Services bancaires aux particuliers, Québec et Est de l'Ontario, BMO, a pris la parole lors du lancement de la clinique.

« En tant que l’une des plus grandes banques du Canada, nous reconnaissons que la santé mentale, c’est la santé. Nous nous sommes engagés à soutenir les organismes de santé mentale et de mieux-être mental, ainsi qu’à financer la recherche médicale innovante qui permet de réaliser de réels progrès pour les personnes malades, aujourd’hui et à l’avenir » a déclaré M. Pellegrino, qui est également membre du conseil d’administration de la Fondation de santé mentale Royal Ottawa.

« Ce qui est essentiel pour moi et pour l’entreprise que je représente, c’est de sortir la santé mentale de l’ombre. Elle doit se trouver au premier plan, nous devons en parler. Je suis fortement encouragé par ce que je vois, pas seulement dans cette communauté, mais dans tout le pays et dans le monde entier. »

La stigmatisation souvent associée à la maladie mentale est la principale raison pour laquelle Mme Beckett parle publiquement de son expérience. 

« La meilleure façon de lutter contre la stigmatisation est de continuer à en parler », » souligne-t-elle. « C’est quelque chose qui prend de l’ampleur avec le temps, comme une boule de neige qui dévale une colline. »