Imaginez que l’on puisse trouver une façon de réduire la maladie mentale de façon permanente...
Un chercheur et professeur de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse a justement entrepris une étude de recherche dans ce but. Il s’intéresse aux marqueurs génétiques en tant qu’indicateurs de problèmes de santé mentale possibles et cherche également à utiliser des stratégies d’intervention précoce pour contrer ces maladies à leurs tous débuts.
« Les variantes génétiques jouent un rôle très important, mais je pense qu’il s’agit surtout d’une interaction entre l’hérédité et le milieu », explique le Dr Rudolf Uher, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’intervention précoce en psychiatrie. « La personne que nous finissons par devenir, que l’on soit en bonne santé ou malade, dépend d’une multitude de variantes génétiques et environnementales. »
Le Dr Rudolf Uher est le lauréat de 2016 du Prix Royal-Mach-Gaensslen pour la recherche en santé mentale,une subvention annuelle de 100 000 $ qui reconnaît les projets de recherche novateurs et progressistes de jeunes chercheurs en santé mentale au Canada.
« Les recherches effectuées par le Dr Uher sont tout à fait novatrices. » - Dr Chris Carruthers, président de la Fondation Mach-Gaensslen du Canada
« Personne n’a entrepris un projet à si long terme qui pourrait avoir une incidence sur le mieux-être de personnes à travers le monde » , dit le Dr Carruthers.
Les objectifs du Dr Uher sont très clairs.
« Je suis en train d’élaborer et de mettre à l’essai un programme d’intervention précoce pour prévenir la maladie mentale grave chez les jeunes à risque », explique-t-il. « Dès le début de l’adolescence, nous pouvons prévoir le risque de maladie mentale avec un degré de précision qui nous permet de cibler des interventions psychologiques positives, afin de donner aux jeunes la meilleure chance possible de maintenir une bonne santé mentale. »
Le deuxième élément essentiel de sa stratégie consiste à établir une approche unique et personnalisée au mieux-être de chaque enfant.
« J’ai entendu tant de fois un père ou une mère me confier : « Je suis inquiet pour mon fils, je me retrouve en lui quand j’avais le même âge. Je ne veux pas qu’il ait les mêmes problèmes que moi", »» ajoute-t-il. « Nous voulions changer cet état des choses. C’est ce qui m’a attiré vers le travail en intervention précoce. Nous sommes réellement les premiers à le tenter. »
À titre de co-fondateur du groupe de recherche Families Overcoming Risks and Building Opportunities for Well-Being (FORBOW), le Dr Uher s’intéresse à la santé mentale de l’ensemble de la famille. Si les adultes ont des antécédents de maladie mentale, c’est souvent un bon indicateur que leurs enfants risquent de présenter les mêmes problèmes.
Toutefois, la discussion sur l’intervention précoce n’avait lieu que lorsqu’un enfant présentait déjà des signes et symptômes de problèmes de santé mentale, explique-t-il. « À ce stade, il s’agit presque déjà d’une maladie mentale grave, nous ne traitions pas les patients assez tôt. »
Le Dr Uher et son équipe sont les premiers à mener une étude à long terme sur les effets de l’intervention précoce auprès d’enfants qui ont des marqueurs génétiques ou des antécédents familiaux de maladie mentale. Son groupe de recherche encadre les enfants, dès l’âge de neuf ans, pour les aider à comprendre leurs émotions ainsi qu’à apprendre des outils et stratégies d’adaptation. Les cours d’aptitudes au mieux-être,
« Skills for Wellness » (SWELL), encouragent les enfants à apprendre des compétences qui les aideront à surmonter leurs problèmes émotionnels.
« Il est beaucoup plus facile de gérer l’anxiété chez un enfant de dix ans, qu’une psychose chez un adulte », affirme-t-il. « Lorsque les enfants constatent eux-mêmes leur réussite, cela les encourage à poursuivre leurs efforts. Nous leur apprenons à décomposer les gros problèmes en plus petites composantes, à remettre en cause leurs comportements, surtout les comportements de passage à l’acte, et ce sont des aptitudes générales qui leur serviront toute leur vie. »
L’objectif est d’établir un ensemble de protocoles qui peuvent s’utiliser de façon universelle. Le programme de traitement, s’il est efficace, permettrait de donner une stabilité psychologique pouvant s’enseigner non seulement aux enfants qui présentent un risque élevé de maladie mentale, mais aussi à tous les enfants.
« Les parents nous disent souvent qu’ils auraient tellement aimé avoir une aide de ce genre quand ils avaient cet âge », ajoute le Dr Uher.
Plus de 300 enfants sont inscrits à cette étude de recherche, qui comprend un suivi annuel de tous les participants jusqu’à l’âge adulte. L’étude permettra donc de recueillir un très grand volume de données au fil des ans, à mesure que les participants grandissent.
« Les travaux du Dr Uher ont placé le Canada en position de leadership. C’est tout à fait le type de pensée avant-gardiste qu’il nous faut pour trouver des solutions concrètes et significatives en matière de maladie mentale. » - Dr Zul Merali, président et chef de la direction, Institut de recherche en santé mentale du Royal
Le Dr Zul Merali indique que le Dr Uher a été choisi comme lauréat du Prix Royal-Mach-Gaensslen parmi un groupe de candidatures exceptionnelles.
La Dre Kathleen Pajer, qui est chef de psychiatrie au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario et professeure de psychiatrie à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, travaille avec le Dr Uher depuis le début du programme et offre des conseils en pédopsychiatrie.
« Il y a certains moments critiques de développement du cerveau pendant l’enfance et l’adolescence. Le Dr Uher essaie d’offrir un traitement prophylactique à ces enfants qui présentent un risque élevé », indique la Dre Pajer. « Donc, si pendant ces différentes poussées de croissance nous présentons à ces enfants des stratégies qui peuvent les aider à identifier leurs propres signes avant-coureurs possibles ou les sentiments qui pourraient indiquer que leurs émotions ou leurs comportements sont déréglés, nous leur enseignons quelque chose qui peut en fait aider à façonner leur développement cérébral. »
Le Prix Royal-Mach-Gaensslen pour la recherche en santé mentale a été établi au début de 2015 grâce à un don de 1 $ million versé au Royal par la Fondation Mach-Gaensslen du Canada. Il s’agit de la deuxième fois que le prix est décerné.